Ordre est donné a l’équipage de vérifier les ceintures et le chef désengage le P.A pour prendre l’avion en manuel ; la pluie redouble d’intensité et la turbulence devient sévère ; dans les casques, les parasites ne laissent planer aucun doute sur la véracité de la prévision de départ : il y a du cunimb dans le secteur, quant au radar MTO sur un C47 …ce sera pour la descendance!

L’avion à de plus en plus de mal à être maintenu en ligne de vol quand, subitement, il part en fort dérapage et s’incline brutalement à gauche d’une soixantaine de degrés.

Je passe le régime des moteurs à 2550 t/mn, passe le mélange sur auto-riche ce qui me permettra au besoin de monter la pression admission à 42 pouces ce qui n’est pas encore le maximum possible ; quant au changement de fréquence, ce n’est plus la priorité car ça devient intenable ; le badin oscille de plusieurs dizaines de noeuds et l’inclinaison varie de plusieurs dizaines de degrés.

La pluie rentre par le panneau supérieur qui n’à jamais été étanche et je recule la sacoche de vol du chef qui prend allégrement l’eau ; les 2 pilotes ont déjà les combinaisons mouillées au niveau des jambes mais moi, un peu en retrait, je m’en sors bien de ce point de vue.

Nous essayons finalement d’établir le contact avec le contrôle, d’abord Italien puis retour sur Marseille mais sans succès. Il fait tellement sombre que nous avons allumé l’éclairage de nuit .mais par bonheur, il ne grêle ni ne givre.

Le CDB décide de faire ½ tour mais renonce et décide de descendre ; certes, nous sommes IFR mais nous n’avons plus le choix ; il faut sortir de cet enfer et en dessous, au niveau ou nous sommes, même à cette époque, il ne doit pas y avoir grand monde ; de toutes les façons, le chef à décidé et nous passons l’IFF sur emergency. (l’IFF deviendra le transpondeur pour les civils)

A l’approche des 1000 feet au QNH supposé, toujours IMC ; la turbulence, encore sévère, a un peu diminuée mais il y à de la tension dans l’air et …du silence sur l’interphone. Pour me rassurer, je pense en moi-même qu’avec ce temps, le plafond ne doit pas coller à la mer. Je mets en marche les essuie-glaces actionnés eux aussi par …un moteur hydraulique.

A 500 feet supposés, toujours rien puis d’un seul coup.. la mer ! Mais le spectacle n’est pas rassurant : nuages bas , forte mer, toujours forte pluie et tout l’horizon bien sombre ; par contre , la turbulence a un peu diminuée mais il va falloir éviter les grains et surtout les impressionnantes trombes marines (tornades) que l’on voit ici et là et pas rares en Méditerranée à cette époque de l’année ; l’avantage d’être au ras des flots sous la couche fait que nous voyons plus ou moins bien la position des Cb au travers des rideaux de pluie

Le chef décide de poursuivre sur la Sicile à l’estime car plus rien n’accroche comme moyen de radio-nav ; le radio essaie de prendre contact avec un organisme militaire pour donner des nouvelles car évidemment, plus de contact avec personne en VHF ni UHF et les phases d’alerte doivent s’activer. Dans le cargo, le plus ancien des 2 instructeurs navigation, consciencieusement mais avec difficulté, s’active avec sa pointe sèche et sa règle CRAS pour noter tous les changements de cap importants. La dérive ne peut-être qu’estimée visuellement en regardant l’écume des vagues par les petites fenêtres latérales ; il y a bien un dérivomètre à bord mais il est illusoire de se détacher pour aller à l’arrière s’en servir ; de toutes les façons, avec les grains, le vent est loin d’être stable.

Nous en sommes là quand brutalement, l’avion part pour la 2éme fois violemment en dérapage et s’incline fortement ; j’ai le temps de voir le gauchissement à fond mais, pendant un temps qui me parait très long, l’avion semble vouloir continuer à s’incliner et piquer vers la mer qui est très prés ; à mon niveau, je ne peut que pousser les moteurs à fond autant par réflexe que par analyse.

Le copilote , depuis la dégradation , n’est pas intervenu sauf à cet instant en aidant l’Ancien a rétablir la

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