Dans le registre « Souvenirs et Cunimb », un autre récit, peut-être un peu long mais c’est peut-être l’occasion d’écrire un petit chapitre d’un livre … que l’on n’écrira jamais !!

Mon carnet de vol mentionne la date du 25/09/73 sur le C47 n° 709, (un clin d’oeil a nos amis pilotes de la base) durée du vol : 4h 1/2 dont 1h de nuit au départ de Nîmes, le tout en Circulation Générale / IFR. Trajet prévu : Nîmes – Escale à Trapani (Sicile) – Athènes. Trajet réel : Nîmes – un point en Méditerranée - déroutement sur Solenzara (Corse) - Nîmes.

A cette époque de ma carrière , je suis instructeur mécanicien navigant dans la très conservatrice Marine Française (Aéronavale) qui utilise encore des vieux C47 (DC3) pour la formation du personnel navigant non pilote ; certes , l’engin à environ 35 ans , un nombre d’heures de vol inconnu ,est lent mais réputé résistant et encore démonstratif à cette époque pour la formation à la conduite moteur et aux différents systèmes ; mais la fin est proche , la turbine prenant la relève , notamment avec l’arrivée des Breguet Atlantic en service depuis 7 ans déjà.

Le vol est un voyage de fin de stage au profit d’élèves- navigateurs de notre école, qui auraient bien besoin pour leur formation, d’un avion plus rapide avec une autre technologie.

A l’avant, le Commandant de bord, officier sorti du rang, respecté mais craint et ayant piloté tout ce qui possédait 2 ou 4 moteurs dans la Marine ; il est aux commandes à gauche (PEF)

A droite, un jeune copilote, sortant juste du cours de pilote d’Ajaccio ; au milieu, légèrement en retrait sur son petit siège inconfortable, votre serviteur, Le cours de facteurs humains de nos jours caractériserait ce cockpit « d’autocratique », ce qui était courant à l’époque dans ce milieu, ou l’on réfléchissait longuement avant de formuler un avis contraire aux décisions du Patron (Culture – Grades).

Derrière moi, toujours dans la partie technique, le radio, personnage réglementairement obligatoire à bord même pour un vol en IFR classique et qui trafique encore en morse pour des besoins opérationnels.

Dans le cargo, à l’arrière, 4 élève navigateurs encadrés par leurs 2 instructeurs, chaque groupe de 3 travaillant sur un table de navigation. , puis, tout au fond, les rechanges en matériel pour quelques jours et dont certaines, notamment les boites électroniques, ne survivront pas à l’aventure.

Voilà pour le décor et les acteurs.

La prévision sur la Grande Bleue n’est pas bonne, avec front froid et cunimbs et, discrètement, le copilote me confie son inquiétude, alors que nous faisons la prévol avec nos lampes de poche ; seul point positif, pas de risque de givrage cellule.

Tout ce passe normalement jusqu’au nord de la Sardaigne stable au FL 90 ; les 2 Pratt ronronnent tranquillement à 50% de leur puissance soit 600 cv pour 2050 t/mn, 28 pouces à l’admission, le mélange sur auto-pauvre, les carburateurs à injection avalant de l’air réglé à 20 °. comme prévu dans le Manuel. La vitesse propre à ce niveau est environ de 150 kts pour une vitesse indiquée de 130 kts.et la consommation horaire de 86 gallons US pour les 2 moteurs soit environ 320 litres.

J’aime ces décollages de nuit au petit matin surtout quant il fait beau et que l’on voit le jour se lever dans le bercement des moteurs bien synchronisés mais, aujourd’hui, l’horizon est bien sombre malgré que le jour soit maintenant bien avancé.

Progressivement, nous rentrons en IMC mais dans un premier temps, sans turbulences notoires.

Le pilote automatique est branché (eh oui !!) mais il est très primaire, son rôle se résumant à une tenue de cap asservie à un directionnel qu’il faut régulièrement recaler quant à la tenue d’altitude, c’est en fait une tenue d’assiette asservie à un autre gyroscope et il faut fréquemment le recaler lui aussi pour tenir l’altitude.et le tout est animé par câbles et pression hydraulique !!

La pluie sur le pare-brise est maintenant soutenue et, sur demande du pilote, la VHF étant plus accessible de mon poste je m’apprête à changer de fréquence pour passer avec les Italiens quand, brutalement, la turbulence s’amplifie.

© SA RJ