Donc , en cette année 1971, nous sommes en vol pour une séance d'instruction au profit d'élèves mécaniciens-navigants sur un bon vieux C47 de la Marine dans le ciel Gardois.

L'équipage est composé d'un pilote commandant de bord à gauche , et de deux équipes composées chacune d'un instructeur et d'un élève mécanicien-navigant., l'instructeur étant en place droite et l'élève au milieu , en léger recul sur un strapontin au demeurant inconfortable.

Les instructions prévoient pour ce type de leçon une hauteur de sécurité de 5000 feet et les conditions de vol VMC. A l'issue d'une heure de vol environ, consacrée aux mises en drapeau et traitement des pannes associées, mon élève et moi-même allons laisser la place à l'équipe suivante, le changement s'effectuant en vol. Avant de le faire travailler sur la table de navigation à résoudre des problèmes sur les circuits et le traitement des pannes , sur quelques questions de navigation ou radio-nav,voire à faire le calcul de la masse et du centrage pour l'atterrissage, je décide d'aller assouvir un besoin bien légitime dans l'urinoir placé derrière la petite porte au fond du cargo , laquelle donne accès à la queue de l'avion, avec visuel sur tous les câbles de commande et la partie interne de la roulette de queue.

Le bruit est soutenu mais , au moment ou je me prépare à uriner dans le petit entonnoir , parfois bouché par le gel , je note distinctement la montée en puissance du "bon moteur" , la réduction de celui qui va être coupé et les petites variations en lacet d'autant mieux que je me trouve loin du centre de gravité . Au moment où le soulagement physiologique tant attendu est prêt d'être satisfait, un silence brutal suivi d'une rapide variation d'assiette à piquer qui me fait décoller du plancher, me bloquent dans le processus précédemment décrit : il est clair que les 2 moteurs sont arrêtés et j'ai la douteuse expérience d'entendre pour la première fois les filets d'air se régaler contre le fuselage d'un C47 !! L'envie d'uriner passant momentanément au second plan, je me précipite vers l'avant de l'avion. La progression est d'autant plus aisée que la chose est en descente accentuée mais je n’étais pas encore arrivé dans le poste qu'un moteur fut remis en route puis le second un peu plus tard. Je pus reprendre avec satisfaction ma progression inverse vers l’arrière du cargo sur un plancher encore en descente puisque l’avion reprenait de l’altitude

Je ne me souviens pas avoir eu peur, plutôt surprit mais pleinement confiance sur les copains à l'avant .Quant à l'altitude perdue, je ne m'en souviens plus et c'est donc qu'il y avait encore de l'eau sous la quille. Le C47 avait une finesse estimée de 15 ce qui vers 120 kts n'engendre pas un fort vario négatif. Sur précipitation et sur une modification récente de la procédure qui marchait très bien auparavant et depuis....une trentaine d’années, l'élève avait surpris son instructeur en passant le bon moteur en drapeau alors que le second en attente de mise en drapeau était bien arrêté. La mise en drapeau sur ces moteurs ne se fait pas par la manette d'hélice comme sur des moteurs moins puissants mais en actionnant un bouton-poussoir rouge situé dans le panneau supérieur, lequel bouton actionne lui-même une pompe spécifique et très puissante : si la main de l’intervenant part trop vite, pas le temps de la stopper !! Le moteur mis en drapeau par erreur dut être révisé à cause du fort surcouple subit alors qu'il était en puissance maximum continue. Bref, l'instructeur, comme prévu, eut quelques démêlés avec la hiérarchie, mais je pense que l'expérience servit à tout le monde et notamment à celui qui débutait sa carrière.

Vitesse et précipitation sont 2 choses à bien distinguer dans un avion.

Plouchart Guy

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